EXPOSÉ 69
1.Une thérapie fondamentale
La pleine présence cultive l’harmonie de notre santé fondamentale
Considérons d’abord la pratique de la pleine présence comme une thérapie du corps-esprit guérissant de la maladie des illusions et des passions conflictuelles qui naissent dans la saisie cognitive.
Selon une métaphore classique du Bouddha, le grand thérapeute : nous sommes comme un malade souffrant de différentes formes de mal-être. Le diagnostic identifie une maladie existentielle et cognitive qui a sa source dans l’illusion et les passions. Comprenant que la guérison est possible l’on se consacre à la thérapie qui conduit à la guérison. La thérapie est l’entraînement à la pleine présence attentive, ouverte et altruiste qui, dans toute son extension est un triple apprentissage ou entrainement comprenant :
- une dimension éthique : l’attention bienveillante et non-violente, cultivée dans la pleine conscience.
- une dimension expérientielle : la présence ouverte de la pleine présence.
- une dimension d’intelligence : de « ce que je suis et de ce qui est », cultivée dans la pleine compréhension de l’état de présence.
Dans ce schéma thérapeutique nous allons considérer successivement :
- la maladie,
- le diagnostic,
- la santé, la guérison,
- la thérapie.
La maladie est le mal-être dans ses différentes formes
Au départ, notre maladie est le mal-être : il y a dans le monde, en nous, dans notre vie, dans ce que je suis et ce que je vis, de l’insatisfaction, de la dysharmonie et des souffrances.
Il y a le mal-être grossier, la douleur, la souffrance habituelle que l’on expérimente dans la vie avec les maladies, la vieillesse et la mort ainsi que toutes les difficultés de l’existence. Que ce soit d’être confronté à ceux qui nous sont hostiles ; d’être séparé de ceux qui nous sont chers ; de ne pas pouvoir obtenir ce que nous voudrions ou encore de ne pouvoir garder ce que nous avons, la vie est pleine de souffrances.
Il y a ensuite un mal-être plus subtil qui est celui du manque, du changement ou de la perte. Nous voudrions de la stabilité dans l’existence et nous essayons de conserver ce qui par nature ne peut l’être. Tout est impermanent, la vie, le bonheur et tous ses composants sont impermanents. Tout est éphémère, en continuel changement. Les changements avec les pertes et les catastrophes qui y sont associées constituent ce deuxième type de mal-être.
Il existe enfin un mal-être très subtil qui est de nature existentielle. Il est inhérent à l’existence individuelle, à la séparation et au manque née de l’incomplétude. Ce mal-être subtil est souvent imperceptible, il est sous-jacent aux deux premiers, habituellement masqué par ceux-ci.
Ces difficultés, ces souffrances, mal-être, sont une réalité présente dans notre vie.
Le diagnostic : le mal-être vient des illusions et des passions qui procèdent de la saisie cognitive
Vient ensuite la recherche de la cause du mal-être. Son origine se trouve dans notre esprit, notre cognition, dans la dysharmonie de l’illusion et les déséquilibres des passions. Ensuite si l’on cherche l’origine des illusions et des passions l’on découvre qu’elles viennent de la saisie* qui structure l’esprit et l’anime. Le processus de saisie opère en deux temps avec la saisie duelle et les saisies passionnelles. Dans un premier temps la saisie duelle génère l’illusion dualiste qui fait exister sujet-objet, l’ego et son monde. Puis, dans un deuxième temps, l’ego dans son monde vit des saisies passionnelles qui produisent les émotions conflictuelles de désir-attachement, d’agression et d’indifférence et leurs multiples combinaisons. (Voir le chapitre 1 « Bref aperçu sur la science contemplative »).
La santé fondamentale et la guérison
Vient ensuite la grande découverte, la bonne nouvelle : au-delà de l’illusion et des passions, transcendant la maladie de la saisie, il est un état de santé, une réalité fondamentalement qui dans son harmonie et sa santé est bonheur, bien-être.
C’est parce que nous sommes fondamentalement sains qu’il est possible de guérir. S’il n’y avait pas une santé fondamentale, nous ne pourrions pas guérir de la maladie !
La thérapie : le triple entraînement
Ayant compris ce qu’est la maladie, son origine et la possibilité de guérison, la question est maintenant : comment guérir ?
Quelle est la voie qui permet de guérir de la maladie des illusions et des passions?
Comment se libérer de la saisie cognitive que je suis ?
La voie de la guérison, de la libération, est l’entraînement à la pleine présence qui, dans ses différentes pratiques, va diminuer les saisies et nous en libérer. Cet entraînement libérateur est en fait un triple entraînement* ou un triple apprentissage :
- L’apprentissage de « la pleine conscience » ou de l’éthique associé à l’attention. Il s’agit d’être pleinement attentif à ce que l’on fait, pleinement conscient de ce que l’on fait, de ses actions et de leurs conséquences. La pleine conscience est plus particulièrement l’attention permettant l’entraînement éthique. Nous la développerons ci-dessous comme « Règle d’or de l’éthique universelle ».
- L’apprentissage de « la pleine présence » ou de l’expérience profonde associé à l’ouverture de la dessaisie. C’est l’entraînement à la pleine présence en général et à la pleine présence ouverte et relâchée en particulier. La présence ouverte est l’expérience profonde de l’instant présent libre de saisie. Elle consiste à être 100% ouvert au présent, réceptif et disponible.
- L’apprentissage de « la pleine compréhension » de la réalité, ce que je suis et vis, est une connaissance transcendante au-delà de la dualité et des concepts. Elle se vit dans l’ultime expérience de pleine présence, en la présence ouverte a-conceptuelle qui est une intelligence directe et immédiate.
Le Bouddha distingua ces trois dimensions de l’apprentissage ou de l’entrainement qui se disent en sanscrit shila, la discipline éthique ; samadhi, l’expérience profonde et prajna, la compréhension de la réalité.
En bref, la voie de la pleine présence comprend ces trois dimensions : éthique, expérientielle et de compréhension, qui constituent les trois niveaux ou étapes de l’entraînement.