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EXPOSÉ 72

L’éthique et la spiritualité de l’humanisme naturel

 L’éthique humaniste de la pleine présence

–     Une voie vers plus de bonheur

Nous avons tous la même aspiration au bien-être et au bonheur. C’est une aspiration naturelle, une motivation fondamentale légitime, qui nous anime tous. L’état de présence ouverte, dans la suspension des saisies de l’ego, cultive santé, bonheur et bien-être. Il nous déconnecte de nos conditionnements illusoires et de nos passions habituelles, sources de problèmes et de mal-être. Nous avons déjà discuté l’entraînement à l’état de pleine présence comme thérapie fondamentale soignant les différentes formes de souffrances et développant plus de bonheur. Nous avons également déjà discuté comment cette pratique favorise l’harmonie et ses conséquences, ce que nous avons nommé les trois H (harmony, health, happiness ; harmonie, santé, bonheur en français).

En bref, la pleine présence cultive bien-être, santé et bonheur.

Comprenons maintenant que cultiver ce qui est sain, c’est-à-dire ce qui est source de santé et de bien-être, est éthique. L’éthique telle que nous l’entendons est « ce qui est source de bien-être, de santé et de bonheur pour soi et pour autrui ». La mindfulness, pleine présence, a une dimension éthique extrêmement importante qui n’est pas culturelle mais naturelle.

Éthique naturelle médicale versus morale culturelle et juridique

Nous entendons par éthique la discipline qui permet de réaliser le bien-être et le bonheur pour soi et pour autrui. L’éthique de l’humanisme fondamental ou naturel est une éthique de type médical, plutôt que juridique. Pour être simple et clair nous ferons une distinction entre « éthique naturelle » et « morale culturelle ». Il est important de distinguer l’éthique naturelle des morales culturelles. Les morales culturelles émergent et existent dans des matrices sociolinguistiques spécifiques qui fondent leurs particularités et leurs spécificités. Elles s’inscrivent dans une société, une langue, une mentalité, un environnement. Remarquons que culture, langue, modèles sociaux et morale culturelle ou coutumière sont étroitement liés et interdépendants.

Les morales culturelles peuvent être religieuses ou laïques. L’Occident a majoritairement hérité de la morale culturelle monothéiste qui est de type juridique, c’est-à-dire fondée sur des arguments d’autorité divins. Il peut aussi y avoir aussi des arguments d’autorité humains, des lois humaines quelles qu’elles soient. Notre héritage occidental induit en nous une tendance à une mentalité juridique associée à la loi, au jugement et à la culpabilité. C’est un conditionnement extrêmement prégnant et souvent aliénant, même à notre insu. La morale juridique constitue vite un dogme, un système conceptuel clos auto référents.

A contrario l’éthique que nous disons naturelle n’est pas fondée sur un dogme, mais sur un état de santé, l’état de présence empathique. L’éthique naturelle est l’attitude spontanée de bonté et de bienveillance qui se vit en pleine présence.

L’histoire du vieil homme, du petit enfant et du puit

Un exemple de l’éthique inhérente à la pleine présence nous est donné par une histoire attribuée à un ancien maître chinois.

Un père va à midi avec son petit enfant chercher de l’eau au puits. Arrivé au puit, l’homme assied l’enfant sur la margelle du puits et commence à puiser de l’eau en faisant descendre un sceau au bout d’une longue corde. Le petit enfant, assis sagement sur la margelle, regarde le sceau qui descend lentement, son attention est captée par le sceau qui descend encore et encore. Au fond du puits se reflète et scintille la lumière du soleil. Fasciné et captivé par cette vision un peu hypnotique du scintillement et de la descente du sceau, l’enfant se penche de plus en plus suivant le mouvement et, pris de vertige, il perd l’équilibre et bascule. Son père, à côté, lâche la corde, le rattrape instantanément et le dépose à terre, de l’autre côté de la margelle. En un éclair, il a agi et rattrapé le petit enfant ; il était simplement pleinement présent à l’instant, il faisait corps avec la situation.

La question maintenant est : l’action de cet homme était-elle morale ou éthique ? Le père a sauvé la vie du petit enfant qui autrement serait tombé et se serait noyé au fond du puits. De ce point de vue on pourrait, bien sûr, dire que l’homme a eu un comportement vertueux, qu’il a eu un comportement moral. Mais en fait, il  a accompli ce geste de sauvetage car il était simplement dans un état de présence empathique. Il ne s’est pas dit : « Oh, mon petit enfant est en train de basculer, il va tomber ; en tombant il va se blesser au fond du puits et se noyer ; il faudrait que je fasse quelque chose rapidement parce que si je ne fais rien il sera bientôt trop tard et il sera noyé… ». Il ne s’est pas demandé : « Serait-il moral que je rattrape mon enfant ? » Il n’est pas entré dans ces considérations mentales. S’il l’avait fait il serait mort avant la fin de ses tergiversations. En état de présence empathique, il a eu, spontanément et immédiatement, un comportement altruiste.

Efficacité et compassion

Nous avons vu que l’état de pleine présence attentif et ouvert, rend plus efficace en toutes choses : comme thérapeute, au travail, dans l’entreprise, sur les marchés financiers et même à la guerre (c’est l’état fondamental des arts martiaux traditionnels). Mais la pleine présence profonde et complète comprend les trois niveaux que nous avons discutés. Ainsi, si dans l’attention et l’ouverture il y a bien une optimisation de nos ressources et de nos potentialités, la pleine présence n’est pas complète sans sa troisième dimension, la plus fondamentale : l’empathie de non-violence et la compassion altruiste qui en procède.

Essentiellement, l’ouverture véritable est un état de non saisie, de désengagement ou de suspension de l’ego. Et finalement, en l’ultime dessaisie de la non dualité habite l’ultime non-ego, l’ultime empathie, l’ultime compassion, l’ultime altruisme. L’ouverture et la compassion convergent finalement en l’ultime état de pleine présence.

Ainsi la pleine présence rend plus efficient, mais cette efficacité comprend un danger de récupération par l’ego. Devenir un meilleur trader ou un meilleur snipper ne fait pas partie d’une éthique de non-violence. Il est donc nécessaire, pour éviter cet écueil, d’aller jusqu’au fond de la pratique de la pleine présence. Fond qui est éthique au sens de compatissant et d’altruiste.

La règle d’or de l’éthique humaniste universelle

La pleine présence est le cœur de la règle d’or

L’état d’être de la pleine présence a, comme nous l’avons vu tout au long de ce livre, trois qualités essentielles : la clarté de l‘attention, l’ouverture libre de saisie et l’empathie altruiste. Dans l’état de participation empathique à la réalité de l’autre, « l’autre étant comme moi », le bien de l’autre s’accomplit naturellement comme on le ferait pour soi. Et, ce respect de l’autre comme un autre soi-même, procède ici non pas d’un raisonnement intellectuel mais simplement d’une participation empathique qui est naturelle dans l’état de présence ouverte et bienveillante. Empathie et altruisme naturels constituent le fond de l’éthique universelle qui s’exprime dans la règle d’or : « ne fais pas à autrui la violence que tu ne voudrais pas subir ». Cette règle d’or de non-violence empathique, non-égoïste, altruiste, est naturelle en l’état de pleine présence qui est notre fond universel.

La règle d’or est universelle

La règle d’or de l’éthique universelle se rencontre sous différentes formulations dans toutes les approches humanistes ou religieuses de non-violence : « Traite les autres comme tu voudrais que l’on te traite » ; « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse » ; « N’inflige pas à l’autre la violence que tu ne voudrais subir » ; « Aime ton prochain comme toi-même » … Cette règle de bienveillance procède de notre aspiration naturelle au bien-être et au bonheur et ne dépend ni de croyances, ni d’arguments d’autorité, elle constitue « le fondement de l’éthique naturelle universelle ».

Qui que nous soyons, nous aspirons tous au bien-être et au bonheur, et nous souhaitons tous éviter la souffrance. « Tu es comme moi et je suis comme toi ». C’est dans la reconnaissance de notre similitude, par-delà nos différences et dans l’expérience de communion qui en découle que se pratique et se vit la règle d’or. Elle s’applique à tous les niveaux : personnel, conjugal, familial, professionnel, social, économique, politique, géopolitique et écologique. C’est le fondement de l’éthique humaniste naturelle et non confessionnelle. Elle est indépendante de toute croyance et se développe naturellement dans l’expérience de pleine présence.

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